L'ÉLEVAGE DU VER À SOIE
On ne sait pas exactement quand l'élevage du ver à soie a débuté à Larnage, mais il est probable que cette production commença dès le XVII eme siècle. En effet, c'est Sully, le ministre d'Henri IV, qui favorisa son essor, suivant les préconisations d'Olivier de Serres. La moyenne vallée du Rhône se prêtant bien à la sériciculture, il est vraisemblable qu'elle développa très tôt cette production.
Au XIXème Siècle et au début du XXème, l'élevage du ver à soie, s'était fortement développé à Larnage. Chaque famille avait son élevage. Une pièce chauffée de la maison était réservée à cette production pendant la courte période d'élevage.
La sériciculture apportait une source de revenus complémentaires à la plupart des familles. Pendant longtemps se fut même, avec le vin, la terre blanche et les poteries, une des rares source de revenus externes. On sait par exemple qu'il y avait en 1901 une cinquantaine d'éleveurs de vers à soie sur Larnage. Cet effectif semble être resté stable jusque dans les années 30. Après cette date, la production a rapidement périclitée.
L'élevage du ver à soie était encouragé par des aides délivrées par le ministère de l'agriculture. Ainsi, pour l'année 1929, cinquante sept éleveurs bénéficièrent des aides. Les quantités de graines déclarées pour la mise en incubation étaient de 907 g (29 onces de 31.25 grammes) et le poids des cocons résultant de la pesée officielle de 1877 kg, soit un rendement moyen de prés de 65 kg par once. Les plus gros producteurs mettaient en incubation entre 2 et 3 onces (voir plus pour certaines magnaneries), les plus petits entre 1/4 et 1/2 once. A cette époque, la majorité des producteurs incubaient entre 1/2 et une once et produisaient entre 20 et 40 kg de cocons par an. La production était souvent limitée par la surface des locaux chauffés disponibles : on estime qu'il fallait environ 1 m2 par gramme de graines. Ainsi, 1/2 once nécessitait l'utilisation d'une pièce de 15 à 16 m2.
Les magnaneries étaient la plupart du temps installées dans une pièce de la maison d'habitation ou dans des granges chauffées. En effet, bien que cette production soit mise en place à la belle saison, entre la fin du mois d' avril et le début du mois de mai, la température n'était pas suffisante pour permettre l'élevage.
Les "graines" étaient fournies en majorité par les collecteurs de cocons. Certains éleveurs produisaient eux même leurs graines. Chaque gramme contenait en moyenne 1350 oeufs, soit pour une once plus de 42000 oeufs. On imagine dés lors la quantité de main d'œuvre nécessaire pour alimenter les chenilles. Il fallait ramasser entre 1 et 1.5 tonnes de feuilles de mûrier par once de graines mises en élevage. De plus, la majeure partie des feuilles était consommée dans les quinze derniers jour d'élevage. Il fallait alors environ 2 à 3 heures de récolte à 3 personnes pour assurer la ration quotidienne. Cette tâche mobilisait souvent la famille entière, surtout, lorsque les mûriers n'étaient pas proches de l'habitation et qu'il fallait atteler la charrette et les bœufs pour acheminer les feuilles jusqu'à l'élevage, comme c'était le cas chez Anaîs HABRARD. La récolte de la journée était ensuite étalée dans un local aéré ou dans une cave, et régulièrement "brassées" afin d'éviter "l'échauffement". Certaines personnes ne possédant pas assez de mûriers pour leur production, achetaient des feuilles.
Dés que les premiers bourgeons de mûriers apparaissaient, les oeufs étaient mis en incubation, soit dans des incubateurs, soit en les plaçant sous des matelas ou des édredons, pendant une huitaine de jours. Après l'éclosion les jeunes larves étaient nourries avec les toutes premières feuilles de mûriers, les plus petites. Au fur et à mesure de leurs croissance, qui durait environ un mois, entrecoupé de 4 mues, les chenilles dévoraient de plus en plus de feuilles, le point culminant intervenant dans la dernière semaine. Les anciens Larnageois ayant connu cette époque, évoquent le bruit particulier que faisaient ces milliers de chenilles broyant les feuilles.
La nourriture était distribuée en 2 ou 3 rations quotidiennes de feuilles non humides. Les litières, disposées sur des étagères superposées, étaient changées 4 fois pendant le cycle de production. Elles reposaient sur des feuilles de papiers recouvrant les différents niveaux des tables d'élevages.
La nourriture était distribuée en 2 ou 3 rations quotidiennes de feuilles non humides. Les litières, disposées sur des étagères superposées, étaient changées 4 fois pendant le cycle de production. Elles reposaient sur des feuilles de papiers recouvrant les différents niveaux des tables d'élevages.
Après une trentaine de jours d'élevage, peu de temps avant la métamorphose, les éleveurs "embruyaient" les tables, c'est à dire qu'ils inséraient de la bruyère, des tiges de choux colza ou de genêts, perpendiculairement au plan de travail. Cette opération, appelée également "ramage", favorisait la "montée" des chenilles. Celles-ci allaient faire leur cocon dans les rameaux. Le "coconnage" durait plusieurs jours.
Au terme de cette période, les rameaux étaient retirés des tables de travail et la phase de "décoconnage" débutait. Elles consistait à retirer les cocons des brindilles où ils étaient fixés. Venait ensuite le "débourrage", qui consistait à enlever la "bourre" qui entourait le cocon. Cette opération s'effectuait soit manuellement, soit à l'aide d'une machine spéciale, appelée débourreuse.
Les cocons étaient ensuite transportés au village dans de grands draps. Un centre de collecte, qui dans les années suivant la 1ere guerre mondiale était chez Joseph Fournier, centralisait la production locale. Les négociants venaient y chercher la marchandise.
Il fallait environ 600 cocons pour faire un kg.
Les naisseurs conservaient les plus baux cocons afin d'obtenir des oeufs. On estime que un kg de cocons pouvait donner prés de 2 onces de graines.
A l'époque de la sériciculture, de nombreux mûriers furent plantés en bords de champs ou de routes. Il n'en reste que de rares spécimens. Les paysages agraires étaient alors très différents de ceux d'aujourd'hui, ou dominent les plantations d'abricotiers.
Il faut imaginer de nombreux champs en culture ou en près, bordés de mûriers. Un bel exemple du XIXeme reste le plan parcellaire du Domaine des Pouillards.